Cristina Branco Fado Perdiçao
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Les playlists de Philippe Cohen Solal

Les playlists de Philippe Cohen Solal pour Olio Nuovo Days

Dans les souvenirs de Philippe Cohen Solal, fils d’un père juif tunisien et d’une mère hollandaise, remontent des parfums d’huile d’olive. Quand il était enfant, son oncle lui racontait comment, en arrivant de bon matin au moulin proche de Tunis, il commençait par percer un trou dans une miche de pain, pour y nouer une ficelle et la plonger dans la citerne où le nectar est pressé de frais. En fin de matinée, il remontait ainsi la miche imbibée pour la déguster fissa, relevée d’un trait de harissa. Philippe Cohen Solal, cofondateur du groupe Gotan Project mêlant tango et musique électronique, producteur de multiples projets pour lui ou pour autrui, réveille régulièrement ce souvenir. Il faut dire que la cuisine, dans laquelle l’huile d’olive occupe une place de choix, est son autre passion : « J’ai toujours fait la connexion entre la gastronomie et la musique, lesquelles partagent le même vocabulaire, explique-t-il. Dans les deux cas, je dois faire preuve d’inspiration, de créativité et d’intuition, en me souciant toujours d’associer les bons ingrédients comme les bons musiciens. »

On comprend son enthousiasme quand Olio Nuovo Days, par la voix de sa fondatrice Emmanuelle Dechelette, formula la proposition de participer à ses jurys, en compagnie d’autres gastronomes et artistes, puis de confectionner des playlists : une huile, une musique. Mélomane touche-à-tout, Philippe Cohen Solal a commencé par affiner sa dégustation : verser dans la coupelle, chauffer dans la paume, humer, goûter, couvrir les papilles… et déterminer le goût amer ou la sensation ardente, identifier les fruités mûr, vert ou noir. « J’avais besoin de cette formation pour trouver les musiques correspondantes », admet-il. Mais comment relier le goût et l’ouïe ? La géographie est une aide précieuse : quand il invite des amis à manger des sushis chez lui, Philippe Cohen Solal complète l’ambiance en ne passant que de la musique japonaise. Dans le cas des deux playlists d’Olio Nuovo Days, séparées entre hémisphère Sud (vingt-six huiles et morceaux) et hémisphère Nord (quarante-quatre), il a pioché tantôt dans le répertoire de Cristina Branco pour le Portugal,

Cristina Branco Fado Perdiçao / OLMAIS Portugal
Cristina Branco Fado Perdiçao / OLMAIS Portugal

Lila Downs pour le Mexique ou Miriam Makeba pour l’Afrique du Sud, ainsi que dans les expérimentations du groupe slovène Laibach pour la Slovénie et dans l’électro-cumbia péruvienne de Dengue, Dengue, Dengue. Un grand mix alternant standards et titres méconnus, qui fonctionne comme un voyage étourdissant dans les musiques mondiales d’hier et aujourd’hui.

Myriam Makeba /  ADHARA EVOO South Africa
Myriam Makeba / ADHARA EVOO Afrique du Sud

Mais tout n’est évidemment pas si simple. En plus du critère géographique, Philippe Cohen Solal devait aussi combiner ses choix artistiques avec sa sensibilité de goûteur. Prenons ainsi la direction du Brésil, où il a sélectionné Terra de Caetano Veloso pour accompagner l’huile Terra Pampa, en raison du côté « végétal » qu’elle exhale ; ou Construção de Chico Buarque, pour « l’intensité extrême » de la Lagar H. En Italie, il a retenu deux titres d’Andrea Laszlo De Simone, auteur l’an dernier d’un superbe album pop (Immensità), en pensant aux huiles toscanes « entre tradition et modernité »de Marina Gioacchini, productrice de Le Amantine. Pour déguster les trois productions de la maison sicilienne Bona Furtuna, tenue par un couple américain de San Francisco, Philippe Cohen Solal suggère de réunir l’Italie et la musique anglo-saxonne en écoutant le twist Tu vuo fà l’Americano de Renato Carosone, le rock’n’roll Svalutation d’Adriano Celentano et Ragazzo Solo, Ragazza Sola, version italienne par David Bowie de son classique Space Oddity.

« J’ai voulu caser des morceaux plus électroniques, mais ça correspondait difficilement », observe Philippe Cohen Solal : « L’huile est une tradition rurale et ancienne qui se prête mal aux sonorités urbaines et futuristes. » Quand elle émane de Grèce (Melina Mercouri, Stravos Xarhakos, Dimitris Mitropanos, etc.) ou de Tunisie (Sidi Mansour, Anouar Brahem, Emel Mathlouthi, etc.), la sélection musicale est aussi copieuse que la production oléicole du pays concerné, tandis que l’on entend une version de Gnossienne N° 1 d’Erik Satie par le Turc Ergan Oğur, à déguster sur une Kisthene.

Gnossienne N° 1 Erik Satie par le Turc Ergan Oğur / KISTHENE
Gnossienne N° 1 d’Erik Satie par le Turc Ergan Oğur / KISTHENE Turquie

Vient l’huile « incroyable » du Japonais Toyohiro Takao qui place trois cuvées dans la liste : pour illustrer la “Frantoio” qui lui évoque « un jardin couvert de mousse », Philippe Cohen Solal a retenu Moss Garden de David Bowie ; pour la “Lucca”, « peu spectaculaire mais subtilement bonne », il a choisi le minimaliste Uoon II par Alva Noto et Ryuichi Sakamoto ; et pour la “Taggiasca”, il a pioché l’un de ses morceaux, Shizuka, une invitation au voyage interprétée par Maia Barouh et Mariam Tamari.

Moss Garden, David Bowie / Frantoio TAKAO
Moss Garden, David Bowie / TAKAO Frantoio Japon

Un autre de ses titres, Afro Bolero avec Angélique Kidjo et Mo Laudi, s’est glissé dans les playlists, où l’on retrouve forcément son emblématique Gotan Project, avec le tango mélancolique Érase una Vez, à écouter en savourant la Grand Laur “Cruz de Piedra”, évidemment une huile argentine.

Érase una Vez GOTAN PROJECT / Grand Laur “Cruz de Piedra
Érase una Vez GOTAN PROJECT / Grand Laur “Cruz de Piedra Argentine

Philippe Cohen Solal¡Ya Basta! Records         info@yabasta-records.com

Emmanuelle Dechelette Olio Nuovo Days  emmanuelle@culture-olive.org